Je l’avoue j’étais un peu emprunté, mais comment ne le serait-on pas à mon âge, en face de cette dame, qui représentait à la fois le savoir, et l’autorité, moi qui venait à peine de quitter la douceur familliale ou tu l’imagines, tu es la plupart du temps hyper protégé, et ou malheureusement on ne t’explique pas suffisamment lorsque tu démarres dans la vie ce qui peut t’attendre.
Tu sors effectivement du « cocon familial » ou à chaque instant on recule le moment ou l’enfant va se transformer, ou l’enfant va être confronté à la société, à la performance, bref aux autres, ou il va découvrir cet aspect de la vie qui le fait grandir et en même temps qui l’immobilise dans sa croissance, plus psychologique que physique.
Je m’en souviens, elle était jolie, blonde comme les blés, avec un accent qui n’était pas le mien, que j’arrivais tout de même à comprendre, mais tous ces ingrédients dans une seule personne me faisait regretter ma liberté perdue à tout jamais ; il fallait qu’elle soit douée pour m’apprivoiser.
Ce qui te rassure au départ, c’est l’anonymat de la foule, même si tu crains les autres, mais au moins, elle t’oublie…enfin presque j’avais occulté la première lettre de mon NOM : Un V donc dernier sur la liste, ce qui sous-entend le début de la liste si par non conformisme tu commences par la fin ; ha combien de fois j’ai rêvé de m’appeler H… ou L…. ou mieux G…mais pas de chance, mon nom commençait par V.
Elle était très professionnelle, et dans mon petit coin, je croyais naïvement que mon nom ne l’inspirerait pas; est ce mon air perdu, ma venue de la campagne, mon short déjà trop court pour mon âge, ma timidité visible à chaque instant, mes yeux bridés qui semblaient complètement hagards dans ce monde que je voyais hostile, toujours est-il qu’elle ne s’est jamais laissée prendre à tous mes artifices pour disparaitre à la fois de sa vue et surtout de son intérêt pour moi ; tout ceci devait l’inspirer au plus haut point, car pendant un an, avec amour je crois, elle s’est investie pour moi, et j'avoue aujourd'hui, je ne l ai jamais oublié.
Premières expériences douloureuses de la vie en société, mais elle a su me domestiquer,m’adoucir, me montrer par son calme, sa gentillesse toute la beauté du monde, toute la beauté de l’autre, et elle a ete ma première et dernière vraie maitresse.
C’était il y a longtemps, en Septembre, je rentrais au CP.
Daniel VIDAL