L’absurdité est qu’il n’imaginait jamais pouvoir un seul instant être sensible à un tel état d’euphorie
adolescente, qu’il n’avait jamais compris chez les autres, pire qu’il avait toujours condamne surtout
chez les autres, plongé dans ses certitudes acquises à la fois par son éducation et sa vie réglées
comme du papier à musique en croyant bêtement à l’amour parfait, exclusif et surtout surtout
imprégné d’une fidélité à toute épreuve.
L’absurdité, est qu’il a toujours cru à cette espèce d’amour universel, non partagé, et qu’il se croyait
naïvement à l’abri de toute tentation, y compris les plus perverses et en même temps si excitantes.
L’absurdité est qu’il se méfiait et qu’il se blindait dans une indifférence et une ignorance de l’autre,
pour se complaire dans cette situation en se persuadant que lui jamais ne pourrait succomber
comme beaucoup, qu’il avait tant méprisés.
L’absurdité est qu’il avait passé sa vie à croire qu’il serait toujours heureux.
L’absurdité est qu’aujourd’hui il se retrouvait malheureux, non devant la tentation mais
face à cette évidence qui lui faisait enfin admettre tout le temps qu’il avait pu perdre, en se référant
justement à toutes ces folies mises les unes après les autres et qui lui faisaient enfin comprendre
mais un peu tard tout ce qui ne pourrait jamais être rattrapé.
L’absurdité c’est qu’il avait l’impression que le temps perdu le poursuivait, avec ses rides, avec son
âge, et que jamais il ne s’était senti aussi triste d’être vieux.
L’absurdité est qu’il était écartelé entre son envie, son remords et ses regrets, sans oser réellement
se lancer dans une nouvelle vie qui lui apparaissait à la fois désirable et tellement dangereuse.
L’absurdité c’est la volonté de masquer le manque de courage de tout détruire, de ne rien laisser
derrière lui sinon des incompréhensions, des critiques, et des condamnations sans appels.
L’absurdité c’est qu’il souhaitait enfin que tout s’arrête, doucement, sans vagues, qu’il se fasse
oublier, qu’on ne puisse rien lui reprocher sinon de ne jamais avoir eu le courage d’affronter sa vie et
de se cacher derrière les paravents de la bienséance.
L’absurdité c’est qu’il ne voulait plus rêver, qu’il ne pouvait plus rêver, et qu’il attendait bien
sagement la fin pour être délivré de son cauchemar.
L’absurdité c’est qu’il voulait être ailleurs, loin, enfin seul, face à lui-même.
Daniel VIDAL